Après un mois de vadrouille dans tout le pays et un mois de stage et d’adaptation à la vie liménienne, je prends enfin le temps de donner de mes nouvelles.
Je ne reviendrai pas sur le voyage de cinq semaines que j’ai fait avec Rémi, il me faudrait environ 20 pages pour le raconter et encore, je n’aurai pas encore tout dit. Sachez juste qu’il fut extraordinaire, sans encombre et que je suis plus que contente d’avoir pris le temps (et l’argent) pour découvrir le Pérou avant de m’y installer. Cela m’a permis de prendre en compte la richesse de ce pays extrêmement diversifié avant de me cloîtrer dans Lima qui, quoique fascinante, n’a absolument rien à voir avec le reste du pays.
Installation
Revenons donc sur mon installation dans la capitale péruvienne. J’ai décidé après quelques hésitations de m’installer dans Barranco, district situé au Sud de Lima. Il s’agit à mon avis du quartier de Lima ayant le plus de charme : maisons colorés, au bord de la falaise menant à l’océan, fleuris, nombreux bars et piqueos, centre de la nuit liménienne en fin de semaine. Alors que Miraflores (quartier des expatriés et des touristes) fait presque oublier que l’on est au Pérou, Barranco respire la culture péruvienne un peu bobo tout en étant autant voir plus sûr.
Je vis dans une sorte d’auberge de jeunesse réservés aux volontaires d’Ashoka ou amis de volontaires. Il n’y a que 3 résidents permanents (dont moi) et nous recevons de temps en temps la visite de quelques voyageurs venant nous apporter des nouvelles du grand large… ou plutôt actualiser notre Lonely Planet. L’appartement vu sur l’océan est tout confort (un peu trop sachant que je n’ai ni à faire le ménage, ni à faire mon linge, et quasiment pas ma vaisselle…).
Le mieux dans cet appartement est qu’il s’agit de l’ancien bureau d’Ashoka, réseau d’enterpreneurs sociaux mondial pour lequel je travaille. Il y a donc de partout des livres sur l’entrepreneuriat social, sur la situation économique et social du Pérou et de toute l’Amérique Latine et il n’est pas rare de recevoir au courrier des magazines plus qu’intéressants sur le développement du pays.
C’est donc dans cet environnement que j’évolue depuis plus d’un mois et bien que la douche ne veuille toujours pas m’offrir de longue minutes d’eau chaude et qu’il ne faille pas jeter le papier toilette dans la cuvette, je m’y habitue très bien.
Universidad Coherente - 1ere partie de stage
En ce qui concerne mon stage, je n’aurai pu espérer mieux.
Mon stage est officiellement avec Ashoka mais en réalité je travaille comme "consultante externe" auprès des entrepreneurs faisant partie du réseau Ashoka. Initialement, je devais diviser mon temps de travail entre deux associations (Universidad Coherente et Asociacion de Trabajo Voluntario) et ainsi faire partie de deux projets. Cependant, après avoir discuté avec chacune de ses ONG, il m’est apparu impossible de compatir expérience de qualité et diversité de l’expérience. En effet, à force de vouloir tout faire, je risquais de tout faire mal et de ne rien retirer de professionnellement et personnellement enrichissant de mon stage. Ceci m’a donc mise dans une position assez inconfortable, à savoir celle d’avoir à faire un choix.
Chacune des deux associations m’offraient l’opportunité de participer à des projets de qualités. Cependant, Asociacion de Trabajo Voluntario semblait vouloir uniquement me faire faire de la communication. Or, ce n’est pas sur ce domaine que je voulais que mon stage soit tourné. En revanche, Universidad Coherente m’a directement proposé d’être en charge de sa viabilité financière, ce qui m’a tout de suite attiré. En plus de cela, Jorge Mori, président exécutif d’Universidad Coherente m’a tout de suite plu : innovant et passionné, j’avais devant moi un véritable entrepreneur social.
C’est donc à Universidad Coherente que j’ai décidé de consacrer 80% de mon temps de travail (les 20% restant devant être destiné à Ashoka en tant que tel) au moins jusqu’en Décembre. Je ne regrette absolument pas ce choix.
Universidad Coherente croit en une université innovante, moderne et de qualité, accessible pour tous les péruviens. Crée en 2007, elle centre son activité sur les universités publiques péruviennes qui connaissent de graves problèmes de gestion. Pour cela, Universidad Coherente a trois lignes directrices de travail.
1. La première ligne consiste à moderniser l’université publique. Cela passe entre autre par un travail de recherche sur la transparence et l’accès à l’information dans les universités publiques ainsi que par des programmes de capacitation des fonctionnaires universitaires. L’idée est de résoudre les conflits internes à la communauté universitaire (conflits liés à un manque d’information et à une lacune en termes de ressources humaines) afin de faciliter le processus de prise de décision et de gestion de l’université.
2. La seconde ligne de travail vise à influer sur les politiques publiques pour une université plus démocratiques et accessible. Ici intervient l’idée qu’à long terme, une ONG qui veut changer l’état des choses dans son domaine doit parvenir à faire changer les politiques publiques, autrement dit la loi. Comment parvient-on à changer la loi ? En mettant sur l’agenda politique la problématique, ce qui n’est possible qu’en effectuant un double travail de communication auprès de l’opinion publique et de recherche de solution avec les différents acteurs spécialistes du domaine. Dans ce cadre, Universidad Coherente d’une part publie régulièrement des infographies simplifiant l’information complexe dans le domaine de la gestion universitaires et les diffusent dans les journaux, sur son site internet et via les réseaux sociaux. D’autre part, Universidad Coherente collabore avec plusieurs autres spécialistes afin d’élaborer des projets de lois par exemple.
3. Enfin, la troisième ligne de travail, quasi inexistante actuellement, se concentre sur le thème de l’innovation et notamment de la capacité innovatrice des étudiants des universités publiques.
Résoluement innovante, UC n’a rien à voir avec une association quelconque. N’importe qui prenant contact avec Jorge Mori et son équipe y voit dynamisme, innovation, engagement. Dynamisme car cette équipe travaille à 100% tous les jours et le montre via une utilisation massive des réseaux sociaux, régulièrement alimentés. Innovante pour plusieurs raisons. D’une part parce que Jorge Mori a la capacité de présenter les problèmes et solutions de l’université publique d’une manière totalement nouvelle. D’autre part parce que l’association laisse une place primordiale aux stratégies de communications : réseaux sociaux, infographies… C’est une stratégie quasi marketing qui est utilisé pour faire passer des informations complexes et quasi scientifique à des étudiants qui ne prennent plus le temps de lire des textes de plusieurs pages. En transformant des informations complexes en des informations consommables par tous, UC augmente sa capacité d’impact et se distingue largement des autres ONG. Enfin, engagement : chaque personne de l’équipe d’UC vient de l’université publique ce qui permet non seulement de comprendre la passion qui anime ces personnes mais surtout positionne UC comme un acteur légitime dans son travail.
L’objectif final de mon stage à Universidad Coherente est d’assurer et de renforcer la viabilité financière d’UC. Ceci passe par trois missions principales
- Creation d’un Board of Advisor dans lequel se réunirons des personnalités politiques, du monde de l’entreprise, ou des universitaires dans le but de fournir à UC des ressources nouvelles
- La seconde mission s’apparente à du fundraising pur : il s’agit de mettre en forme les projets pour pouvoir les vendre. A l’intérieur de cette mission se trouve également l’idée d’étendre le réseau institutionnel d’UC en créant des alliances avec d’autres ONG nationales ou internationales.
- Enfin, la troisième mission consiste à mettre en place des services générant des ressources propres à UC : cette idée est en train d’évoluer vers la création d’une entreprise parallèle.
Je travaille donc en étroite collaboration avec le Président Exécutif Jorge Mori qui, aussi surprenant que cela a pu me paraître, considère comme de la plus haute importance mon opinion.
Pour l’instant, j’ai surtout passé mon premier mois à reconstruire le discours institutionnel de Universidad Coherente, pour le rendre justement un peu plus cohérent. Et à partir de cette semaine nous entrons dans une phase intense de design des projets et de segmentation pour de la recherches de financement.
En parallèle à ce processus, on crée de nouvelles alliances avec d’autres partenaires et à titre d’exemple, j’ai déjeuné ce midi avec le directeur d’America Economia (le magazine économique d’Amérique Latine) Pérou, pour qu’UC paraisse comme source lors du prochain Ranking des universités péruviennes.
Mes journées sont donc bien remplies !