lundi 12 septembre 2011

Dompter Lima

J’ai choisi de ne pas commencer ce blog par mon voyage en avion ou mon impression en arrivant à l’aéroport ou en quittant mes parents en France. Non, j’ai choisi de commencer ce blog par les transports en commun de Lima. Pourquoi ? 


Parce que c’est la première chose qui vous surprend quand vous venez d’un pays où le système de transport facilite le déplacement, où vous savez où chaque bus/métro/taxi vous emmène et où il suffit de faire passer une carte sur un tourniquet pour monter dans un véhicule tout ce qu’il y a de plus sûr. C’est aussi ce qui vous surprend le plus lorsque vous avez l’habitude de votre petit, vraiment tout petit Paris intramuros ou pire, votre maison familiale d’un petit village d’Isère.

Finalement, en y pensant, j’écris bien sur mon impression en arrivant à Lima : un mélange de peur et défi. Se déplacer dans Lima est un défi, et Lima se dompte peu à peu.

Laissez-moi vous expliquer un peu. Il y a trois moyens de transports dans Lima.

Le premier est le taxi. Les taxis. Les dizaines de milliers de taxis qui circulent sans cesse et qui klaxonnent dès qu’ils voient quelqu’un marcher sur le trottoir (marcher dans Lima n’est pas normal, même pour 100 mètres, tu dois bien avoir un sol dans ta poche pour prendre un taxi !), surtout si cette personne est un peu claire de peau. Je suis à peu près certaine que taxi est la première profession du pays ! Bref, les taxis, il faut apprendre à les dompter aussi : négocier avant de monter, ne pas hésiter à faire jouer la concurrence pour faire baisser les prix de quelques sols. Il faut apprendre à les choisir, et à se méfier (une voiture avec un sticker indiquant taxi n’est pas un taxi…simple question de bon sens.). Mais on a beau dompter les taxis, cela reste un moyen de transport très dangereux dans Lima, comme dans toute l’Amérique Latine, surtout quand on est une fille, surtout quand on est une gringa. Donc, taxi, à éviter.

Le second est le Métropolitano, seul système de bus régularisé, avec des arrêts réguliers. Il n’y a qu’une  ligne qui traverse Lima du Sud au Nord et qui est en permanence sur-bondée.  Bien pratique pour faire Barranco (chez moi) – El Centro historique, mais à part ça, peu utile.

Reste donc les combis. 

Mon combi de chaque matin et chaque soir. La plupart du temps je fais une partie du
trajet avec la tête à l'extérieur tellement il y a de monde ! 


Les combis sont donc des mini-vans, mini bus ou grands bus qui sillonnent la ville. Ils n’appartiennent à aucune compagnie de transport qui pourrait systématiser la chose. Il n’existe aucun plan de leur trajectoire mise à part celui tout déchiré affiché à l’arrière et à l’intérieur. Il s’agit donc juste de deux personnes qui un jour se sont dit « tiens si on prenait un van et si on prenait deux points dans Lima et on irait de l’un à l’autre puis de l’autre à l’un et on ferait payer les gens pour monter dedans ». Autant dire que c’est le bordel.

Pour vous aider, il y a quand même marqué le nom des rues sur le côté du véhicule et le cobrador vous crie les mêmes noms. La où ça se complique c’est que Lima n’a pas vraiment de noms de rues officiels. Les noms sont différents entre la réalité et la carte. Les rues changent de nom en fonction du niveau d'avancement sur celle ci, et surtout, pour un nom de rue, il y a dix rues correspondantes. Alors quand un cobrador crie "San Martin, Grau, Larco, Prado, Balta, Pierola...", il ne vous éclaire pas franchement. 


A cela s’ajoute le fait que les arrêts ne sont pas déterminés. Il y a bien quelques paradero (arrêts), mais ils ne sont évidemment pas respectés et on peut plus ou moins monter quand on veut. Mais pour cela, il faut arriver à se faire voir. Et parfois, il ne veut juste pas s’arrêter… Allez savoir pourquoi. 


En bref, pour se retrouver il faut connaître le plan de Lima, savoir exactement où l’on veut aller et quand on doit descendre (personne ne vous l’indiquera !). Trois éléments que vous n’avez absolument pas en tête en arrivant à Lima.

Complètement perdus, les nouveaux arrivants sont en plus stressés par le cobrador qui les presse  pour  monter (criant « sube, sube, sube, sube, sube » jusqu’à ce qu'ils montent). Et pour descendre (quand tu penses être au bon endroit), tu dois arriver à crier « paradero baja » (un vrai casse-tête pour nous français) pour signaler ton intention de descendre (le cobrador crie alors baja baja bajaaaaa).

Enfin, il faut payer. Et là je dois dire que les cobradors sont impressionnants : impossible de les duper. Ils savent qui a payé, qui n’a pas payé, quand un passager est monté et te rendent la monnaie plus rapidement qu’ils ne crient le nom des rues ! Donc, quand tu ne connais pas, tu bégaies le nom de la où tu penses aller et files un ou deux soles. Je prends le même bus tous les matins, et à chaque fois je paye un tarif différent de la veille : tout dépend de ta tête et du véhicule. Mais à peine tu commences à discuter le prix que tu dois déjà descendre et il vaut mieux pas traîner !

Voilà 3 semaines que je me bats avec le lion, mais je commence à le dompter. Grâce aux combi, je découvre volontairement ou involontairement de nouvelles lignes chaque jour et j'explore ainsi de nouveaux quartiers. Au final, on s'attache très vite à ces petits véhicules qui passent en boucle des radios de reggaeton (Kalle.fm) ou de salsa et dans lesquels on se sent finalement bien plus en sécurité que dans beaucoup d'autres endroits de la ville. 

Je ne saurai finir cet article sans parler de comment fonctionne tout ce petit chaos. 


Les routes appartiennent à la Municipalidad Metropolitana de Lima qui en fait concession à des entreprises de transport en échange d'une somme fixe. Les entreprises de transports font à leur tour appel à des propriétaires de véhicules pour que les routes de la concession soient utilisées. Les propriétaires de véhicules versent donc une somme fixe régulière à l’entreprise de transport pour pouvoir utiliser les routes.  Enfin, les propriétaires louent leurs véhicules à un chauffeur et son cobrador qui leur payent une somme fixe.

Donc le chauffeur paye une somme fixe au propriétaire du véhicule qui  paye une somme fixe à l’entreprise de transport. Le problème est que le chauffeur lui ne reçoit pas de somme fixe : son revenu dépend du nombre de passagers qu’il fait monter dans son bus en une journée. Pour survivre il doit donc avoir assez d’argent pour payer les frais d’essence, les frais de location du véhicule et faire vivre sa famille. Sachant que le prix d'un trajet varie entre 1 et 2 soles (25 cts et 50 ct d'euros), ils doivent travailler parfois jusqu'à 15h par jour pour couvrir leur frais. Sans parler du problème de sécurité que cela implique (descente et montée hasardeuse,  chauffeur épuisé, freins aléatoires...)... 

Typique des pays en développement, ce type de transport reflète bien le système D qui règne dans tout le pays et dans tous les domaines. Cela nous force, européens, à s’adapter et à ne plus se laisser porter par le système. Qui sait où celui-ci pourrait vous emmener dans Lima… 

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